ITALIE: La gauche critique prend son envol

Publié le par zuzu

Les 8 et 9 décembre, à Rome, la Gauche critique s’est constituée en mouvement politique indépendant. De nombreux invités extérieurs participaient à cette conférence, comme notre camarade Olivier Besancenot. Cela met fin à l’expérience de la participation au Parti de la refondation communiste (PRC). De son côté, ce dernier s’est fondu dans une nouvelle formation, Arc en ciel, qui l’allie notamment aux Verts et à une minorité des Démocrates de gauche (DS).

 

C’est en octobre 2006 que s’est initié le processus qui vient de déboucher sur la conférence des 8 et 9 décembre. Confronté à une gauche qui s’enlisait dans le gouvernement de centre gauche, la Gauche critique s’est, pour la première fois, posé le problème de son rapport avec le Parti de la refondation communiste (PRC). Depuis, trois assemblées se sont succédé, certaines bénéficiant d’une importante participation, telle celle du 15 avril dernier (environ 700 personnes), pour déboucher sur la dernière conférence nationale, avec environ 60 assemblées locales, quelques milliers d’adhérents, une motion finale approuvée à l’unanimité et une grande envie de recommencer.

Recommencer… Qu’il le faille est une évidence pour tous. Pour les jeunes d’abord, auxquels il tarde plutôt, d’ailleurs, de « commencer », de lancer un projet qui s’affranchisse des contraintes que l’activité de Refondation imposait depuis quelque temps. Pour tous les autres aussi, qui ont « commencé » il y a quelques décennies, mais qui se disent prêts, aujourd’hui, à repartir.

Chacun le sait, ce sera difficile, mais l’enthousiasme ne manque pas. Il faudra adopter un modèle d’organisation qui ne copie pas celui, au demeurant désastreux, du PRC. Il faudra construire une pratique à la mesure « d’un sujet politique orienté vers le mouvement ». Des groupes de travail ont ainsi été mis en place, liés à l’intervention sociale pour développer les luttes et l’autoorganisation, ou ayant en charge l’organisation du mouvement, le développement des adhésions et l’autofinancement. À ces deux priorités, il en a été ajouté une troisième : un processus d’autoformation politique et culturelle. Pour servir ce projet, il existe déjà une revue, Erre, une maison d’édition et le Centre d’études Livio Maitan.

La Gauche critique se veut un mouvement, non un parti. Elle a une idée claire du parti nécessaire et veut reconstruire un sujet politique organisé, adapté à l’époque. Mais les autoproclamations ne suffisent pas, elles peuvent même être néfastes. Il convient dès lors d’initier un processus, une « dynamique » s’inspirant d’ailleurs de celle qui s’est déjà engagée, par exemple avec la grande manifestation contre Bush en juin dernier. Il s’agit de travailler à la reconstruction de réseaux, à la définition de « pactes » et d’objectifs communs de travail politique afin de dépasser les barrières et les méfiances. C’est dans ce cadre que s’inscrit l’idée de « Constituante anticapitaliste ».

« Constituante » évoque évidemment la reconstruction d’un sujet politique d’ensemble, ce qui exigera des étapes et revêtira des formes diverses. Ainsi, à la conférence, il a été évoqué une « coalition de la gauche de classe et anticapitaliste ». Une coalition de forces et de formes différentes de l’action politique, qui peuvent demeurer chacune dans son propre domaine et conserver leurs propres structures, tout en apportant leur pierre au projet commun. Nombre d’expériences européennes se sont renforcées en suivant ce schéma : le Bloc de gauche au Portugal, ou encore Respect en Grande-Bretagne.

À ce stade, une « coalition de la gauche anticapitaliste » se doit de préparer les rendez-vous qui s’annoncent : pour affronter la crise du syndicalisme ; pour reconstruire des instruments nouveaux permettant de combattre la précarité, le racisme, la destruction de l’environnement, le nouveau cléricalisme ; et, naturellement, pour définir une politique qui fasse preuve de clarté sur le plan électoral. Sur ce dernier plan, reconstruire une gauche de classe suppose de tenir un discours de vérité à propos du terrain institutionnel. Un terrain qui doit être exploré avec d’autant plus de prudence et de rigueur tactique qu’une fracture s’est creusée entre la politique et de vastes secteurs de la société. Ceux du prolétariat moderne sont, par exemple, désillusionnés et souvent dégoûtés par les affaires générées par la vie institutionnelle, sous des gouvernements de gauche ou de droite.

Reconstruire une gauche de classe ira en outre de pair avec la reconstitution d’une « conscience de classe ». Un processus long et compliqué, qui devra combiner propagande et développement de l’action, avec un travail en profondeur consistant à renouer les liens tranchés, à reprendre les dialogues interrompus (ou jamais entamés), à reconquérir une présence sociale progressivement délaissée, à redécouvrir ces activités des débuts du mouvement ouvrier que sont le secours mutuel, les caisses de résistance, les maisons du peuple, etc. Telle est l’ambition de la Gauche critique.

De Rome, Salvatore Canavo

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