Martine Aubry épargne le capitalisme

Publié le par zuzu

Martine Aubry a présenté le contre-plan du PS pour faire face à la crise : des mesures très limitées pour relancer la consommation, sans remise en cause de la liberté des patrons et des banquiers.

Alors que le plan de relance de Sarkozy ressemble à ces jeux de scène bien connus à l’Opéra, où la soprano chante « marchons, marchons » en faisant du surplace, le plan des socialistes s’inspire des plans un peu plus ambitieux mis en place un peu partout en Europe. Avec les mêmes caractéristiques : tenter de relancer la consommation sans toucher aux actionnaires, tout en soutenant les capitalistes avec l’argent public.

Un euro par jour ! C’est la hausse « immédiate » du Smic que préconise Aubry. Avec ça, on a compris une bonne part de la logique. On n’augmentera pas les salaires, ni ceux du privé, ni ceux du public. Autrement dit, on ne prendra rien sur les profits des actionnaires, pourtant encore importants en 2008. L’effort, limité, sera entièrement soutenu par le budget public. Ainsi, il est prévu 500 euros pour les 12,5 millions de bénéficiaires de minima sociaux et de primes pour l’emploi, et une réduction générale d’un point de la TVA (qui ne bénéficiera que pour deux tiers aux ménages, le reste allant aux patrons), une hausse de l’allocation logement de 10 %, la généralisation du chèque transports. Le choix de « la consommation » hautement revendiqué est donc plutôt un effet d’affichage.

Plus notables sont les mesures décrites pour lutter contre la vague montante du chômage : prolongation de six mois de la durée d’indemnisation des chômeurs, création de 100 000 contrats verts et de 100 000 emplois aidés, gel des suppressions d’emplois dans la fonction publique et hospitalière, etc. Cette maigre digue sera-elle suffisante face au déferlement annoncé des licenciements et des fermetures d’entreprises ? Des déclarations de Benoît Hamon avaient laissé supposer que la direction du PS était décidée à faire de la gonflette, pour freiner réellement la toute-puissance patronale. Finalement, il n’en est rien. Pas de retour à une autorisation administrative de licenciement, pourtant déjà bien peu efficace en son temps, et pas d’interdiction des licenciements, même pour les plus scandaleux d’entre eux, les licenciements boursiers. Les patrons devraient seulement payer un peu plus cher. En principe, car c’est la justice qui aura à en décider. Surtout, alors même que Ségolène Royal et Benoît Hamon l’avaient envisagé, rien n’est dit sur le remboursement des aides publiques, même pour les entreprises qui font des profits et licencient.

Le principe est donc le suivant : des aides (minimes) pour les personnes les plus en difficulté d’un côté, la confiance maintenue aux décisions patronales de l’autre. Le tout soutenu par une dette publique aggravée, dont les principaux secteurs capitalistes tireront de nouveaux profits en encaissant les intérêts. Le point le plus révélateur de cette orientation de révérence au capitalisme est que les sommes versées aux banques par Sarkozy (en subventions directes ou en lignes de crédit) seraient confirmées si le PS était au pouvoir. Tout au plus, Aubry demande-t-elle que l’État prenne, en contrepartie, une participation au capital, mais, comme le PS rejette toute idée de nationalisation, celle-ci serait évidemment minoritaire.

Or, sans contrôle du crédit, qui ne peut être réalisé sans mettre fin à l’indépendance de la Banque centrale européenne, et sans la constitution d’une banque publique unique, aucun changement réel de la situation n’est possible. Pour un tel changement, il faut un contrôle social sur le crédit. La gauche du PS avait fait de la constitution d’un « pôle public bancaire » le fleuron de sa ligne « antilibérale ». Elle a donc mangé son chapeau sur ce point capital. Ce n’est pas pour rien que les principaux soutiens de Royal, si prompts d’habitude à poursuivre la guerre contre Aubry, n’ont rien trouvé à redire à ce contre-plan.

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