Contribution de Stéphane Lhomme Pourquoi une sortie du nucléaire "raisonnable" est désormais impossible ?

article_photo_1206466561456-1-0.jpg

Chacun en est conscient depuis Fukushima au moins, il faut sortir du nucléaire parce que c'est une énergie terriblement dangereuse. La question est plutôt de savoir à quel rythme fermer les réacteurs nucléaires français.

En tant qu'antinucléaire parfois présenté comme "radical", je souhaite bien sûr une fermeture très rapide de ces réacteurs. Mais j'attire l'attention de ceux qui ont une position dite "raisonnable" et qui proposent une sortie en 20 ou 25 ans, parfois plus, sur un paramètre fondamental qu'ils semblent oublier.

Il ne s'agit même pas ici de discuter de la prise de risque évidente que constitue le fait de sortir du nucléaire à un rythme lent : plus longtemps un réacteur fonctionne, plus il a statistiquement de "chances" d'occasionner une catastrophe.

Il est en effet une donnée qui prend désormais le pas sur les autres : fin 2011, 21 réacteurs nucléaires français sur 58 auront dépassé les 30 ans de fonctionnement, c'est-à-dire la durée annoncée au départ par EDF, et 28 autres atteindront cet âge avancé dans les sept années suivantes.

De fait, sortir du nucléaire de façon "raisonnable", en 20 ou 25 ans, voire en 30 ou 40 ans comme proposé par certains, cela ne revient pas seulement à augmenter statistiquement le risque de catastrophe, cela consiste aussi à faire fonctionner certains réacteurs jusqu'à 40 ans, voir 45 ou même 50 ans.

On peut estimer que faire fonctionner un réacteurs pendant 30 ans est seulement deux fois plus risqué que de le faire fonctionner pendant 15 ans, puisqu'il y a deux fois plus de temps pour "parvenir" au pire.

Par contre, faire durer un réacteur jusqu'à 40 ans est sûrement 10 fois plus risqué que de le faire durer jusqu'à 30 ans. Et faire le faire durer jusqu'à 50 ans est certainement 100 fois plus risqué que de le faire durer jusqu'à 30 ans.

Sortir du nucléaire à un rythme "raisonnable" pouvait être une hypothèse défendable il y a 15 ans (ce qui ne signifie bien sûr pas que j'aurais été d'accord avec cette option !), elle ne l'est plus aujourd'hui.

EDF a prévu d'investir 600 millions d'euros dans chaque réacteur pour lui permettre de fonctionner au-delà de 30 ans, ce qui fait un total astronomique de 35 milliards. Qui plus est :

- bien que très coûteux, ces rafistolages ne donneront aucune assurance sur le plan de la sûreté. C'est comme une vieille voiture que l'on a beau amener de plus en plus souvent chez le garagiste : l'état général ne fait que se dégrader.

- la facture sera assurément encore plus lourde, les dépassements de taille étant la spécialité de l'industrie de l'atome

Résultat, pour financer ces travaux dans les réacteurs nucléaires, EDF a commencé à augmenter fortement le prix de l'électricité et ces augmentations vont continuer de plus belle. Le PDG d'EDF, M Proglio, a parlé d'une augmentation de 30%, mais il serait très surprenant que ce soit… aussi peu !

D'ores et déjà, contrairement à une idée fausse, habilement entretenue par les pronucléaires, la France est très loin d'avoir l'électricité "la moins chère du monde" : rien que dans l'Union européenne, les ménages paient mois cher dans douze pays ! (cf http://observ.nucleaire.free.fr/prix-elec-france.htm).

Il faut donc bien comprendre que, si la sortie du nucléaire risque de coûter cher, la continuation du nucléaire est elle-même fort coûteuse.

Fermer un réacteur arrivant à 30 ans permettrait donc d'économiser 600 millions d'euros et de les investir dans les économies d'énergie et les énergies renouvelables.

Par ailleurs, pour ceux qui ne jurent que par les données économiques, il faut savoir que, depuis la catastrophe de Fukushima, le tourisme s'est effondré au Japon de 60% et les exportations font l'objet d'embargos du fait des risques de contamination radioactive.

De toute façon, même s'il n'est pas inutile de parler "gros sous", il faut garder à l'esprit qu'il est insensé de prolonger la vie de réacteurs arrivant à 30 ans, à moins d'accepter l'idée d'un Fukushima en France.

Des plannings de fermeture des réacteurs français, par exemple en moins de dix ans, sont consultables ici : http://observ.nucleaire.free.fr/5-plans-fermeture-reacteurs-francais.htm

Stéphane Lhomme, Président de l'Observatoire du nucléaire

animera une réunion publique à TARBES, Bourse du travail, le 19 MAI a 20h30...

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :