Vote des budgets des conseils régionaux

La saison des fêtes fut aussi celle du vote des budgets des conseils régionaux. Nous avons choisi d’éclairer trois situations. En régle générale, les élus du Front de Gauche, quelles que soient les critiques portées publiquement contre l’orientation du Parti socialiste, ont voté les budgets. Le Limousin fait à cet égard figure d’exception. Voter le budget signifie valider concrètement la politique menée par le PS, notamment le volet qui concerne les subventions aux entreprises. Cela démontre à nouveau qu’à l’épreuve du feu, les déclarations d’intention n’y suffisent pas. Pour demeurer indépendant, il faut refuser toute solidarité de gestion avec la majorité.
Enquête en Midi-Pyrénées, Limousin et Rhône-Alpes.
Midi-Pyrénées : budget contraint ou rigueur ?

Midi-Pyrénées subit comme les autres régions les conséquences de la crise et de la politique du gouvernement. Ainsi, le différentiel cumulé depuis 2005 entre les dépenses et les compensations de l’État est estimé à 96 millions d’euros fin 2010 et devrait atteindre 125 millions d’euros fin 2011.
Pour le président Martin Malvy, la situation très saine de la région permet d’assurer pour 2011 un budget « contraint mais pas de rigueur ». Il est vrai que Midi-Pyrénées est dans le peloton de tête de l’investissement par habitant, et reste la moins endettée par habitant.
En fait, les baisses budgétaires importantes sont relativisées par le fait que nombre d’actions ont déjà été réalisées et ne pèsent plus sur les budgets à venir (rail, lycées, routes). Mais cet atout ne durera que deux ou trois ans tout au plus.
Dans la section fonctionnement, des économies substantielles seront réalisées, allant de 10 % à 50 % : parc auto, papier, communications, réceptions, manifestations. On peut se demander pourquoi de telles économies n’ont pas été programmées plus tôt.
Ce budget n’a pas essuyé de critique majeure de la part des partenaires du PS. EE-Les Verts se félicitent de la place de l’économie sociale et solidaire et des avancées de la « conversion écologique et solidaire des territoires ». Le seul point de discorde reste le financement de la ligne LGV Bordeaux-Toulouse. Mais dans son intervention, F. Simon, au-delà de toutes les critiques que le NPA partage par ailleurs, acceptait les 14 millions d’euros inscrits en provision, en espérant que les positions évolueraient, mais annonçant à l’avance le refus de signer toute convention de financement. Pure illusion, vu la détermination de Malvy. Une grosse couleuvre avalée au nom de la solidarité budgétaire.
Du côté du Front de gauche (4 PCF, 2 PG et Christian Picquet pour la GU), pas de problème non plus. Certes, face à la crise et à la politique du gouvernement, Nicole Fréchoux a mis l’accent sur la nécessité de construire un rapport de forces, d’une action des 21 régions dirigées par le PS et ses alliés (par exemple pour exiger la généralisation du versement transport à toutes les entreprises), sous peine d’en arriver à « une gestion de la pénurie en s’enfonçant dans le cadre néolibéral ». Les seules critiques ont porté sur l’aide à l’enseignement privé (pour la forme), sur l’augmentation du taux de la TIPP (très antisociale et anti­écologique), et sur certaines aides aux entreprises.
Pour notre part, les politiques menées depuis 1998 par le PS et ses alliés (enseignement privé, aides aux entreprises, formation professionnelle toujours aussi opaque et véritable fromage pour le secteur privé, programmes routiers) justifient à elles seules une abstention. Dans ce cas particulier, et sans sous-estimer l’étranglement mis en œuvre par le gouvernement, le financement de la LGV, l’augmentation du taux de la TIPP, la volonté d’accroître les aides aux PME (via certains contrats d’appui), mais aussi l’absence de lutte coordonnée des régions contre le gouvernement, justifiaient largement un vote contre.

Limousin : le droit à la différence

Petite région par la taille et le nombre d’habitants (750 000), le Limousin est inscrit à gauche avec un rapport de forces de deux tiers/un tiers avec la droite. Région rurale marquée par l’importance de la filière bois et une agriculture de petites exploitations (polyculture-élevage), le secteur public concentre 31 % des emplois (contre 21 en France). Le secteur industriel y est très faible et 94 % des entreprises ont moins de 50 salariés (dont 72 % moins de 10).
Entretien avec Stéphane Lajaumont (conseiller régional NPA en Limousin, avec Véronique Momenteau).

Vous participez à certaines commissions thématiques et à la commission permanente. Est-ce que cela vous lie à l’exécutif ?
Bien sûr que non ! Tout conseiller régional est membre de commissions thématiques, (pour moi, « économie » et « transports »), qui examinent les dossiers élaborés par les services du conseil régional. Leurs avis sont ensuite transmis à la commission permanente (émanation proportionnelle des différents groupes de l’assemblée plénière) qui vote les dossiers. Le travail effectué en amont par nos six conseillers permet de repérer les dossiers les plus révélateurs des choix politiques de la majorité. Et si nous en votons certains, bien évidemment (réparations dans les lycées, subventions aux associations culturelles, aides à la filière bio, solidarité internationale, etc.), nous n’hésitons pas à voter contre dès que c’est nécessaire ! Il suffit de se référer aux comptes rendus que nous rédigeons après chaque séance pour s’en convaincre (www.terredegauche.fr).

Comment abordez-vous le conditionnement des aides économiques ?
55 millions d’euros (sur un budget de 450 millions) sont consacrés au développement économique avec un nombre incalculable d’aides. Nos interventions ont permis de médiatiser l’inutilité de certaines d’entre elles, mais aussi les dérives multiples (pas de plafonnement, cumul possible, …) et l’absence de conditions sociales, démocratiques ou environnementales, permettant d’utiliser le levier que représente l’argent public pour imposer d’autres choix politiques de développement. Et ce, d’autant plus qu’une part importante des aides est concentrée autour des pôles de compétitivité.

Comment cela s’est-il traduit lors du vote du budget et pourquoi ?
La charte de Limousin Terre de Gauche prévoit de rechercher si possible un point d’équilibre entre les élus PCF, PG et NPA, mais la liberté de vote est garantie. Lors du vote par chapitres nous avons rejeté certains budgets (Ligne à grande vitesse Limoges-Poitiers, lycées privés, aides économiques, …). Le vote global restitue l’évaluation de ces différents points. Après débat, les cinq autres élus ont voté en abstention et j’ai voté contre, estimant que le compte n’y était pas. Véronique, pour sa part, a tenu à encourager l’évolution du PCF, en s’abstenant. C’est la première fois depuis 1986 en Limousin qu’il y a une prise de position critique à gauche et non un vote unanime.

Deux élus du NPA dans un conseil régional. Est-ce positif ?
Nous avons réintroduit le débat politique à gauche sur les choix de gestion (ce qui fait régulièrement grogner les élus socialistes qui nous rendent responsables de l’allongement de la durée des débats…). Nous leur apprenons aussi le droit à la différence et non au vote bloqué, le doigt sur la couture du pantalon. Par ailleurs, nous avons, en plusieurs occasions, permis aux luttes d’influencer les débats, que ce soit sur les retraites, la Palestine ou, plus localement sur la LGV ou les tarifs de demi-pension des lycées.

Rhône-Alpes : la continuité libérale

Le budget 2011 du conseil régional Rhône-Alpes voté en décembre dernier s’inscrit dans la continuité des politiques libérales menées par son président Queyranne. Déclinant au niveau régional la politique de Sarkozy, il donne la priorité aux dépenses d’investissement au détriment des dépenses de fonctionnement. Il confirme aussi toutes les orientations libérales du conseil régional, qui se caractérisent en particulier par le maintien de subventions directes ou indirectes aux entreprises ou encore par la réduction des moyens pour les personnels techniques des lycées. Il accompagne aussi les reculs actuels sur les TER, dont le service va en se détériorant, en raison principalement des choix effectués en faveur du TGV et des politiques de libéralisation et de substitution de cars aux trains.
Adopté par l’ensemble des groupes de gauche (PS, Front de gauche, PRG, Europe Écologie-Les Verts), ce budget, qualifié « d’offensif et responsable » par la majorité régionale, montre que le PS est une nouvelle fois parvenu à satelliser ses partenaires. Alors même qu’il prévoit un soutien inconditionnel aux JO d’Annecy, aux nanotechnologies, aux pôles de compétitivité et à nombre d’autres projets anti­écologiques, les élus d’Europe Écologie ont tous voté en sa faveur, le président du groupe, Éric Piolle, expliquant : « on est dans la majorité, on porte les politiques ». Quant au groupe du Front de gauche, il semble avoir oublié ses déclarations grandiloquentes de campagne et s’est une nouvelle fois couché devant le PS, n’hésitant pas à voter un budget aussi antisocial. Pour justifier son vote, il se félicite d’y avoir apporté quelques améliorations qui s’élèvent à 4, 2 millions d’euros, soit moins de 0, 2 % du budget total d’un montant de 2, 42 milliards d’euros : c’est ce que l’on appelle « peser sur le PS » ! Seul élu à se désolidariser de son groupe, Armand Creus (Gauche unitaire) a toutefois choisi s’abstenir, expliquant qu’il ne pouvait voter contre le budget, afin de ne pas mélanger sa voix à celle « de la droite sarkozienne et au FN ».
Le budget 2011 du conseil régional montre que les élections de mars dernier n’auront constitué qu’une campagne pour rien. Les orientations libérales du PS perdurent et les critiques souvent très vives que Europe Écologie et le Front de gauche avaient fait entendre pendant la campagne sont désormais totalement étouffées par la solidarité de gestion. Décidément, il ne peut y avoir d’élus utiles pour le mouvement social s’ils ne conservent pas leur indépendance envers un PS, qui s’avère plus soucieux de servir les profits des entreprises que d’être un point d’appui aux luttes contre la droite.

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