Etat espagnol : manifestations de masse et occupations spontanées

 

Ce 15 mai, plusieurs dizaines de milliers de personnes (130.000 selon les estimations) ont manifesté dans les rues de plus de 50 villes de l’Etat espagnol pour protester contre la crise, la dictature des marchés, la précarité (chômage, logement…), la corruption politique, l’austérité et pour exiger une « réelle démocratie ». Les jours suivants, comme dans les révolutions dans le monde arabe, des centaines, puis plusieurs milliers d’autres ont continué à se rassembler et à occuper en permanence (malgré leur interdiction par les autorités) les principales places de plusieurs dizaines de villes, comme la Puerta Del Sol à Madrid, déterminés à y rester jusqu’aux élections municipales de ce 22 mai. Ces mobilisations sont nées de manière spontanée à partir des réseaux sociaux et elles sont essentiellement portées par la jeunesse précarisée. Nous reproduisons ci-dessous le communiqué de nos camarades de la Gauche anticapitaliste dans l’Etat espagnol sur ce mouvement inédit, ainsi qu’un article d’analyse. (LCR Belgique-Web)

15 Mai : Une porte ouverte vers l’espoir

Le succès de la mobilisation à l’échelle de l’Etat espagnol pour la “Democracia real ya” (« Une réelle démocratie, maintenant ! ») a été énorme. Dans 60 villes il y a eu des manifestations, dont beaucoup avec une importante participation. En outre, il y a eu également des actions solidaires dans plusieurs villes d’Europe comme à Lisbonne, Porto, Coimbra, Faro et Braga au Portugal, Dublin, Amsterdam, Paris et Londres.

Parmi les dizaines de milliers de manifestants se trouvaient de très nombreux jeunes, mais aussi des personnes de tous les âges, des travailleurs, des précaires, des chômeurs, qui sont sortis dans les rues pour exprimer leur ras-le-bol, guidés par la consigne: « Une réelle démocratie, maintenant. Nous ne sommes pas une marchandise aux mains des politiciens et des banquiers ».

Une fois de plus, comme cela s’est passé dans le cas des révolutions dans les pays arabes, les réseaux sociaux ont servit de média privilégié pour la mobilisation, mais il faut cependant ajouter qu’elle n’a rien eu de « virtuelle » puisque se sont organisées des assemblées préparatoires et des groupes de travail dans différentes villes.

Dans la période précédent l’initiative la journée d'action, l'initiative « Prends la rue le 15 mai ! » a pu compter avec le soutien de plus de 42.000 personnes sur sa page Facebooket d’une grande quantité – plusieurs centaines – de collectifs et d’organisations sociales, parmi lesquelles se trouve le collectif de précaires « Juventud sin futuro » (« Jeunesse sans futur »), qui a déjà réalisé une manifestation à Madrid et dans d’autres villes de l’Etat espagnol au début du mois d’avril. Le célèbre écrivain et économiste José Luis Sampedro – préfacier de l’édition espagnole du livre « Indignez-vous » de Stephane Hessel – a également publiquement manifesté son adhésion à l’initiative au travers d’une lettre ouverte.

La mobilisation a été présentée comme « a-partidiste et a-syndicale », bien qu’il était clairement annoncé que cela ne signifie pas « apolotique » et, au vu des pancartes, des calicots et des slogans criés dans les manifestations, cela était on ne peut plus clair. Les doutes qui pouvaient exister chez certains sur la manipulation du 15 mai par des secteurs proches de la droite ou, y compris, de l’extrême droite, ont été démentis par les faits : toute personne ayant un minimum d’objectivité et qui a participé aux actions a pu le constater.

La tonalité des protestations était à l’indignation, ce qui n’excluait pas un caractère dynamique et festif. Elles se sont centrées contre la corruption politique, la marchandisation provoquée par un système financier prédateur et la soumission des grands partis du système aux pouvoirs des banquiers et des patrons.

Cette mobilisation représente une réponse, encore limitée mais massive, à la crise, aux politiques appliquées pour y faire face de la part du PSOE et du PP et à l’attitude désastreuse des directions des grands syndicats. Face au rôle néfaste joué par les grands partis et syndicats, et l’incapacité actuelle des autres forces politiques et syndicales d’apparaître comme des alternatives crédibles, il s’est produit un processus spontané d’auto-organisation des jeunes travailleurs afin de montrer leur rejet face à l’état actuel des choses. Telle est l’origine du 15 mai.

Les grands médias ont fait tout leur possible pour occulter d’abord l’appel à la mobilisation et ensuite manipuler son résultat et le contenu réel de la protestation. Ceux proches du PSOE, minimisent son ampleur et insistent sur les 50 arrestations qui ont eu lieu à Madrid afin de la criminaliser. Ceux proches du PP en arrivent à affirmer qu’il s’agit d’un mouvement exclusivement dirigé contre le gouvernement du PSOE, alors que le slogan le plus crié était « PSOE-PP, c’est la même merde !». La réalité, c’est que, d’emblée, le mouvement du 15 mai ne peut être récupéré par aucun des partis du système.

Les organisateurs des manifestations ont exprimé leur volonté de donner une suite à la mobilisation et cela semble bien correspondre à l’intention de la majorité de ceux qui y ont participé. Ce mouvement de masse spontané a donc devant lui des défis importants qu’il ne sera pas facile de résoudre. En premier lieu, afin de se prolonger dans l’avenir, il devra affiner sa plateforme et ses propositions alternatives face à la crise, afin de mieux les concrétiser pour que son action soit effective. Les illusions de certains participants, et y compris du Manifeste d’appel lui-même dans certains de ses énoncés (sur le fait que ce mouvement ne serait « ni de gauche, ni de droite » par exemple) sont ce qu’elles sont ; de simples illusions. Car s’opposer à la corruption politique, aux diktats du système financier et à la crise, ou construire une réelle démocratie nécessite de mettre en œuvre des mesures qui sont clairement de gauche et que les propositions de cette initiative reprennent déjà en partie.

C’est également le cas pour l’organisation du mouvement lui-même – s’il veut se poursuivre – afin de surmonter des limitations importantes, en articulant et organisant les participant-e-s bien au-delà des réseaux sociaux – qui continuent à être des instruments très utiles - , en les réunissant physiquement dans les villes, les villages, les quartiers, les entreprises. C’est une condition indispensable afin de rendre efficace un travail à moyen et à long terme.

Dans la situation actuelle, les militant-e-s anticapitalistes doivent favoriser et contribuer, de manière solidaire et loyale, à la clarification politique et à l’articulation organisationnelle de ce mouvement spontané, à partir du respect principiel de ses propres initiatives et de son indépendance dans lesquels résident, justement, sa force.

Malgré les problèmes existants, qu’il ne faut pas occulter et qu’il convient d’avoir en tête, nous sommes face à une initiative ayant le potentiel d’offrir une perspective d’avenir, c’est une première riposte de masse des jeunes travailleurs face à la crise, après la grève générale du 29 septembre et le Pacte social démobilisateur signé par les directions syndicales majoritaires. C’est une porte vers l’espoir qui s’est ouverte.

Communiqué d’Izquierda Anticapitalista. Traduction française pour le site www.lcr-lagauche.be

http://www.anticapitalistas.org/node/6858

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