Grèce : situation brûlante

Comme on l’annonçait l’an dernier, le memorandum de mai 2010 ne pouvait déboucher que sur une fuite en avant : faire payer la crise aux travailleurs ne pouvait rien changer sur le fond, et ce n’est pas une surprise si l’État n’arrive pas à faire rentrer tous les impôts et les taxes dont il a fait cadeau depuis longtemps au patronat local (l’exemple des armateurs et des patrons de presse et leurs sociétés écrans étant peut-être le plus criant). Or, le FMI et l’Union européenne (UE) exigent un deuxième memorandum, avec encore plus de sacrifices des travailleurs, aggravant le démantèlement des biens publics et s’attaquant plus fort aux travailleurs du privé. De plus, un mois après l’annonce d’un plan de 23 milliards d’économies pour la période 2012-2015, le gouvernement socialiste laisse entendre qu’il faudra aller plus loin (écoles fermées, réduction du secteur de la santé…).

On comprend donc que, même si bien des travailleurs se défient des bureaucraties syndicales, la grève générale, même de 24 heures, reste une arme pour avancer dans la contre-offensive. Malgré l’absence de perspectives et la division entretenue par le KKE (PC grec), la grève a été fort suivie le 11 mai, comme un pied de nez à la présence de la « troïka », nom donné aux saigneurs du FMI, de l’UE et de la Banque européenne, venus prêcher pour un gouvernement d’union nationale ! Des manifs ont eu lieu dans toutes les grosses villes, et à Athènes, 40 000 travailleurs et jeunes ont défilé (10 000 dans le front du KKE), avec de très gros blocs comme celui de DEI (électricité), menacé de privatisation, et d’autres secteurs en lutte (ambulanciers, crèches, enseignants…). La gauche radicale et anticapitaliste était elle aussi venue en force.

Mais le fait marquant de la manif fut la violence policière : une charge, sans prétexte selon tous les témoins, a envoyé une centaine de manifestants à l’hôpital, tous frappés à la tête, dont un militant entre la vie et la mort. La situation démocratique est grave : soit le gouvernement veut faire comme la droite (violences ordonnées pour décourager les résistances), soit les corps de répression, noyautés par des groupuscules fascistes qui font régner la terreur raciste dans quelques quartiers, agissent de manière autonome, ce qui ne laisse pas d’inquiéter dans un pays qui a connu une dictature fascisante il y a une quarantaine d’années. Le lendemain, une manif très battante a dénoncé ces violences, et l’exigence qui monte est désormais la dissolution de tous ces corps répressifs et l’interdiction des gaz, à l’origine de graves blessures.

La résistance est certes difficile, entravée par le sectarisme et la bureaucratie, mais d’autres faits sont encourageants : ainsi, le succès des trois jours de discussion sur la dette, avec participation d’un public différent des meetings habituels – notamment d’anciens du Pasok –, prouve la crédibilité avec laquelle est peu à peu envisagé le refus de payer « leur » crise. Différents appels communs des forces de Syriza et Antarsya vont aussi dans le bon sens, comme l’appel à la manif du 12 contre la répression. Et, bien sûr, la grosse apparition des syndicats de base le 11 mai, partisans de la lutte prolongée, va dans le même sens.

Tassos Anastassiadis et Andreas Sartzekis

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